L'affaire Pusztai

Variations végétales et polémiques humaines (l’affaire Pusztai):

Introduction

Le lobby anti-OGM répand depuis plusieurs années la rumeur selon laquelle, les nouvelles variétés végétales obtenues par transgenèse (OGM – PGM) présenteraient un risque qui leur est propre et entièrement nouveau pour la santé humaine. La constatation que depuis plus de dix ans d’utilisation des OGM dans l’alimentation humaine aucun effet n’ait été observé et que l’affirmation ne repose sur aucune base scientifique sérieuse, est réfutée à l’aide d’arguments développés à partir d’une ancienne controverse connue comme « L’affaire Pusztai ».

L’historique

Le Dr. Arpad Pusztai est un chercheur réputé dans le domaine des lectines, protéines végétales présentes dans notre alimentation, en particulier chez les légumineuses, les céréales et les pommes de terre ; il est l’auteur de plusieurs centaines de publications et, au moment ou l’affaire éclate, travaille depuis plus de 35 ans au fameux « Rowett Institute » situé à Aberdeen en Ecosse.

Le 10 août 1998, le Dr. Pusztai est interviewé dans une émission de la télévision britannique intitulée « World in Action ». Il fait alors une déclaration qui va fournir aux opposants aux OGM les arguments qui manquaient à leur campagne, pour affirmer que les plantes transgéniques présentent un danger pour la santé publique, danger nouveau, inconnu et directement lié à la technologie OGM.

Devant les caméras, le Dr. Pusztai parle de ses expériences de nutrition : les rats de laboratoire qui mangent des pommes de terre transgéniques montrent une dépression du système immunitaire et un retard de croissance. Il ajoute que, au vu de ces résultats, il trouve inadmissible que l’on utilise des OGM dans l’alimentation humaine, qu’il y a danger, et que l’on a pris le consommateur comme cobaye.

Le scandale est immédiat et ce reportage est repris par tous les grands media. Les producteurs de semence OGM (Monsanto – Syngenta) sont accusés de faire passer leur profit avant toute autre considération, les autorités de contrôle de ne pas faire leur travail et les chercheurs qui travaillent dans le domaine des OGM de ne pas oser s’exprimer publiquement sous la pression des firmes multinationale.

Le Dr. Arpad Pusztai est suspendu de ses fonctions au « Rowett Institute », pour avoir failli au devoir de réserve et il lui est fait défense de s’exprimer en public sur cette affaire. Un comité ad hoc est constitué qui, en octobre de la même année, rend son verdict après avoir examiné les cahiers de laboratoire et autres documents à disposition ; ce verdict conclut qu’aucune des données expérimentales du Dr. Pusztai ne confirme les affirmations faites à la télévision.

Ce rapport ne calme pas la controverse, bien au contraire. Des scientifiques qui connaissaient le Dr. Pusztai lui apportent leur soutient estimant qu’on ne peut accuser leur collègue de malversation scientifique. En 1999, la plus haute instance scientifique anglaise, la « British Royal Society » se penche sur le dossier avec l’aide de six experts indépendants et ses conclusions sont sans appel : les expériences du Dr. Pusztai sont mal conçues, les méthodes statistiques employées inadéquates et enfin les résultats inconsistants. Le comité propose que les expériences soient répétées en suivant ses conseils.

En réponse, le Dr. Pusztai et son collègue publient alors leurs résultats dans le journal médical anglais « The Lancet »[1]. L’éditeur, fortement critiqué pour avoir publié un travail scientifiquement indéfendable, se retranche derrière l’argument du bien public : étant donné l’ampleur de la controverse, autant que tout un chacun ait accès à ces résultats. L'éditorial est cependant un exemple d’attaque en règle contre les OGM. Tous les poncifs y figurent : « Le motif des promoteurs (des OGM) est le profit, non l’altruisme » ou encore « …au lieu de pouvoir conserver des semences pour l’année suivante … les agriculteurs doivent retourner chez le fournisseur … », etc. . Le débat se poursuivra dans ce journal jusqu'à la fin de l'année 1999.

L’erreur du docteur Pusztai

Rappelons d’abord le contexte de cette recherche. Spécialiste renommé des lectines, le Dr. Pusztai décide de tester les propriétés nutritionnelles une nouvelle variété de pomme de terre transgénique. Cette nouvelle variété exprime un gène de la lectine GNA (provenant de la perce-neige – Galanthus nivalis A). La protéine GNA est connue pour ses propriétés insecticides relativement spécifiques, comme la protéine Bt, elle peut donc être utilisée pour créer des variétés végétales résistantes à certains insectes nuisibles. Comme dans tout processus de développement d’un OGM, la nouvelle variété est soumise à des tests de toxicité extrêmement stricts. Le Dr. Pusztai sait de sa propre expérience que la lectine GNA ne présente aucune toxicité pour les rats. Mais qu’en est-il de la plante transgénique qui contient cette protéine ?

Le Dr. Pusztai nourrit donc ses rats avec des pommes de terre transgéniques (cuites ou crues) contenant la protéine GNA ; comme contrôle il utilise des pommes de terre non-transgéniques assaisonnées de la protéine GNA purifiée qui, rappelons le, n’est pas toxique. Les résultats sont inattendus : les pommes de terre OGM causent des problèmes aux rats, problèmes qui n’apparaissent pas dans le contrôle non-OGM. La conclusion est évidente pour le Dr. Pusztai: c’est la technologie OGM qui provoque des changements dans les pommes de terre. Il se révèle très rapidement que le Dr. Pusztai a commis une erreur grave d’interprétation de ses résultats et qu’il a conclu trop rapidement, sans examiner toutes les faces du problème.

Les variations végétales.

Quelle est donc la face ignorée du problème et quelle erreur a donc commis Pusztai pour en arriver à ces conclusions alarmistes ? Les effets observés sur les rats par le Dr. Pusztai sont très faibles et à la limite de la validité statistique ; de plus, le concept de l’expérience trahi une méconnaissance de la biologie et de la génétique de la pomme de terre et des végétaux en général. Rappelons ici, à sa décharge, que le Dr. Pusztai est d’abord un biochimiste, nutritionniste, sans aucune expérience de la biologie et de la sélection végétale.

Le Dr. Pusztai ne tient effectivement pas compte dans la conception de son expérience d’un fait pourtant bien connu de tous les généticiens et sélectionneurs de végétaux à savoir l’importance des variations à l’intérieur d’une même espèce, c'est-à-dire entre se qu’on appelle les « cultivars ». Des expériences de nutrition du rat de laboratoire faites sur plusieurs plantes cultivées non-OGM montrent que les variations entre cultivars sont plus grandes que les variations entre OGM et non-OGM. Lorsque l’on examine des variétés commerciales de pommes de terre non-OGM disponibles sur le marché on trouve que certaines d’entre elles provoquent chez les rats de laboratoire des lésions de même type voir plus importantes que celles observées par le Dr. Pusztai. Ces variations peuvent bien entendu aussi exister entre les différentes lignées de pomme de terre OGM.

Depuis des millénaires les hommes consomment le tubercule et rien ne laisse supposer un effet toxique lors d’une utilisation normale bien que celui contienne des substances potentiellement dangereuses comme des alcaloïdes (solanine) et des lectines. Aujourd’hui toutes les variétés OGM sont analysées et comparées à plusieurs variétés non-OGM, ceci pour leur composition chimique et pour leurs effets sur des animaux de laboratoire. Paradoxalement aujourd’hui, nous prendrions moins de risque avec notre santé en consommant une pomme de terre OGM qu’une quelconque des variétés traditionnelles disponibles sur le marché. La « British Royal Society » a d’ailleurs recommandé récemment que l’on teste toutes les nouvelles variétés végétales destinées à la nutrition humaines, fussent-elles OGM ou non-OGM.

Conclusions

Cette affaire révèle les conséquences désastreuses de la polémique qui règne dans le domaine des OGM. Le Dr. Pusztai a commis une maladresse assez commune chez les scientifiques, celle de parler de ses résultats avant de les avoir confrontés à la critique. Dans la plupart des cas ce genre d’excès n’a pas de conséquence ni pour le scientifique concerné ni pour la société. Dans le cas de du Dr. Pusztai, tout ceci aboutit à la mise à l’écart d’un scientifique de valeur et à l’alimentation d’une controverse stérile. Si nous cherchons les côtés positifs à cette affaire, c’est qu’elle a mis en évidence une fois encore l’insuffisance des collaborations interdisciplinaires. Un nutritionniste de renom qui ne prend pas la peine de soumettre ses résultats à un généticien des plantes et des les analyser soigneusement et c’est « L’Affaire Pusztai ».

Bibliographie
1. Stanley WB Ewen, Arpad Pusztai // Effect of diets containing genetically modified potatoes expressing Galanthus nivalis lectin on rat small intestine // The Lancet, Volume 354, Issue 9187, 16 October 1999, Pages 1353-1354
Sauf mention contraire, le contenu de cette page est protégé par la licence Creative Commons Attribution-ShareAlike 3.0 License