OGM et climat : la question de l’acceptation de l’expertise scientifique !
Je jalouse mes collègues climatologues, physiciens de l’atmosphère, océanologues et autres géologues. Le public leur fait confiance, les admire, les média leur accordent leurs faveurs. Il y a bien quelques contestataires qui nient l’évidence, il y a aussi une théorie du complot, mais tout le monde aujourd’hui, sauf à être franchement de mauvaise foi, admet que l’accumulation des gaz à effets de serre, gaz carbonique en particulier est une réalité et qu’elle aura des conséquences sur le climat ; qui plus est il n’y a plus aucun doute qu’elle soit d’origine humaine. L'incertitude ne porte plus que sur la nature des changements climatiques au niveau local et sur la question de savoir si nous pouvons encore maîtriser la situation.
Cette soudaine confiance accordée à la communauté scientifique me laisse toutefois sceptique. Elle me paraît singulièrement artificielle. L’expérience que, en tant que biologistes, généticiens, sélectionneurs, agronomes, avons accumulés ces dernière années dans le domaine des biotechnologies appliquées à l’agriculture et en particulier des OGM montre que le public et les média nous font peu confiance et passent allégrement outre des recommandations maintes fois formulées. Nous répétons en effet depuis des années, qu'il faut investir dans tous les moyens et toutes les technologies qui permettront à notre agriculture de s'adapter rapidement aux situations nouvelles, conséquences des changements climatiques.
Les milieux scientifiques suisses unanimes se sont opposés au moratoire sur l’utilisation des OGM dans l’agriculture suisse, ils n’ont pas été entendus lors de la votation de 2005. Récemment, les Académies suisses des sciences ont protesté contre la proposition de prolongation du moratoire par le Conseil Fédéral et montré à quelle point elle était injustifiée, contre-productive et envoyait à la population suisse un mauvais message. Elles n’ont pas été entendues par le Conseil des États qui a accepté cette proposition de prolongation. Cependant, elles font là leur travail d'alerte scientifique et de prospective. Ce sont elles qui, en créant dans les années 70 un groupe d’analyse sur les changements climatique (actuellement ProClim), avaient attiré l’attention du gouvernement sur les dangers de l’augmentation de la concentration en gaz carbonique (rétrospectivement sans grand effet politique).
Je ne peut que partager le sentiment de mon collègue Dominique Bourg (ce matin dans Forum sur la RSR) lorsqu'il dit à propos des quelques scientifiques climato-sceptiques qui contestent la réalité de la nature anthropogène de l'augmentation du taux de gaz carbonique: qu'il n'y parmi eux aucun qui soit vraiment compétant, que certains ont certainement des intérêts financiers en jeu et enfin que d'autres ont des motifs psychologiques peu clairs. Ce qui est plus grave: tous les arguments qui sont mis en avant pour nier l'évidence sont éculés, vieux de plusieurs années et ont été tous largement réfutés.
Tout ceci s'applique exactement mot pour mot à la poignés de scientifiques militants contre l'utilisation des OGM dans l'agriculture (en Suisse on les compte sur les doigts d'une main). Il serait grand temps qu'on écoute enfin ce que les milieux scientifiques suisses engagés ont à dire sur le sujet: il n'y pas que le climat qui fait problème aujourd'hui.