Le Rupestre
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Quelques extraits du blog de Jean-Pierre Zrÿd dans la Tribune de Genève


26.09.2012

Bonnes nouvelles à propos du manioc

Il est bon, après le temps perdu à analyser le show médiatique et la médiocre science de l’inénarrable professeur Séralini, de passer aux choses sérieuses qui se réalisent en Suisse loin du tohu-bohu franco-français. Ici c’est le souci d’aider les paysans, de soulager des hommes et femmes qui travaillent qui prévaut et non celui de promouvoir une idéologie bon marché. C’est aussi l’occasion de démontrer que les travaux de recherche sérieux et indépendants peuvent et doivent être publiés dans des revues à accès libre et présentés sans tapage médiatique.

La TDG se fait l'écho d'un article du journal PlosOne, paru hier et que chacun peu consulter librement.

Une équipe du département de biologie de l’ETHZ (Ecole polytechnique fédérale de Zürich) vient de développer une nouvelle variété de manioc résistante à deux virus. Ceci en toute indépendance des firmes semencières et dans le but de fournir aux sélectionneurs locaux et finalement aux paysans les semences dont ils ont besoin pour faire leur travail.

Le manioc est un élément essentiel de la nutrition et de l’apport énergétique dans les régions tropicales ; tout progrès qui peut mettre les cultures à l’abri des maladies et donc bienvenu. Les virus sont propagés par des insectes piqueurs; on utilise aujourd’hui des insecticides (à proscrire) ou, le cas échéant des techniques de cultures complexes et qui n’offrent dans les meilleurs des cas qu’une protection partielle et temporaire. Notre bonne connaissance du génome de manioc (Cassava en anglais) a permis de mettre en évidence les gènes de résistance à 2 virus importants. Si l’on devait utiliser les méthodes conventionnelles de la sélection végétale pour introduire ces gènes dans des variétés cultivées de manioc et compte tenu de la biologie particulière de cette plante, il faudrait compter entre 10 et 15 ans. Dans ce cas, l'usage du génie génétique qui permet le transfert rapide du gène de résistance au virus A dans une plante déjà résistante au virus B, se justifie donc pleinement. Transférer un gènes du manioc dans le manioc c'est ce qu'ont réalisé avec succès les chercheurs du Poly de Zürich. Nous avons donc maintenant entre les main un manioc capable de résister sans traitement, sans soins particuliers et simultanément à deux virus redoutables et agressifs. Reste aux sélectionneurs africains à faire leur travail en testant ce nouveau manioc en champs et en créant d'autres variétés résistantes avec les techniques mises au point à Zürich. Pour ceux qui voudraient plus de détail sur ces travaux vous pouvez consulter la page internet des auteurs de l'article.

On ne le répétera jamais assez, les chercheurs suisses sont, non seulement des pionniers et des leaders des biotechnologies végétales, mais se sont aussi des gens qui travaillent en toute indépendance loin des pressions de l’industrie semencière. Ils méritent mieux que les insultes de quelques activistes, ils ont besoin d'un soutien sans faille de ceux qui pense encore que l’agriculture n’a pas pour seule vocation de jardiner le paysage pour le plaisir de quelques citadins bien nourris mais bien de produire de la nourriture.

24.09.2012

OGM : ça sent le rat

Bon ! L’actualité vient me chercher dans ma campagne aux confins du grand Genève, au milieu des betteraves, l’époque de la désalpe. Je ne peux refuser à M. Mabut une contribution au grand remue-ménage médiatique qui accompagne la publication d’une recherche dont les auteurs espèrent une condamnation sans appel des OGM. Sachant que M. Séralini, l'un des auteurs de cette étude, prétend mettre en cause 20 ans de recherches et de consensus scientifique, je reviendrai certainement ces prochains jours dans ce blog avec une analyse critique du manuscrit et de la validité des résultats publiés. Mais pourquoi un tel bruit pour une étude qui se révèle dès le premier examen plus que médiocre? Pourquoi de tels manquements à l’éthique professionnelle de la part d’un professeur d’Université et de ses collaborateurs ?

Bizarre non ! Une étude effectuée pendant plus de 600 jours dans le plus grand secret sur des rats de laboratoire et qui viendrait infirmer tout ce que l’on sait depuis 20 ans sur les maïs transgéniques. Pourquoi dans le plus grand secret et dans quel but ? Ces résultats amènent-ils à une découverte fondamentale, dûment brevetable et à des retombées financières conséquentes pour les auteurs ? Ou alors… un grand complot, une manigance. Nous avons là tous les ingrédients d’un suspense astucieusement mis en scène. Mais analysons quelques-uns des manquements à l’éthique et le manque de professionalisme de la part des auteurs de l'étude intitulée « Long term toxicity of a Roundup herbicide and a Roundup-tolerant genetically modified maize ».

Une conférence de presse avec un embargo (ça c’est normal) et une petite cohorte de journalistes qui ont dû s’engager à ne pas consulter d’experts scientifiques avant de publier leur article (ce n’est pas normal du tout). Qui sont ces journalistes, réduits au rôle de sténographes qui acceptent de publier sans avoir le droit de vérifier, qui sont ces scientifiques qui craignent la critique de leurs pairs ? Ce procédé n’est jamais utilisé pour présenter une publication scientifique. Les chercheurs et les journalistes qui ont accepté de se prêter à cette mascarade sont indignes de leur profession.
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt (déclaration aujourd’hui requise par la plupart des revues scientifiques). En ce qui concerne le premier auteur, M. Séralini, c'est au mieux une omission au pire un mensonge ; un seul exemple : M. Séralini contribue aux travaux de la firme pharmaceutique française Sevene qui produit des médicaments homéopathiques dont certains sont censés protéger des effets du Roundup (cherchez le problème) ; la moindre des élégances eut été de mentionner cette relation.
Les auteurs se posent en victimes du système, une posture peu répandue dans les milieux scientifiques, mais veulent-ils peut-être s’attirer des sympathies ? Ils préfèrent donc recourir à des fonds comme ceux du Céres (dont l’un des contributeurs est le grand distributeur Carrefour) ou de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme (fph) une fondation de droit suisse dont le siège est à Lausanne, fonds privés peu regardant quant à la qualité scientifique des projets. Ont-ils réalisé que la mauvaise qualité de leur projet scientifique ne leur permettait pas de requérir des fonds publics pour effectuer leurs recherches?
Ignorance crasse ou choix délibéré, M. Séralini et son équipe utilisent, pour une étude portant sur deux ans, une souche de rats connue pour développer des tumeurs après quelques mois, même dans des conditions optimales d’élevage et de nutrition ; ces souches ne sont normalement utilisées que pour des études de toxicité à court terme (c’est-à-dire en général 3 mois). Il s’agit d’une faute professionnelle.

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Dans la plupart des pays (dont la Suisse) les bonnes pratiques de laboratoire imposent de soustraire les animaux de laboratoires à des souffrances inutiles. Il est recommandé, d’euthanasier les animaux présentant des tumeurs avant que celles-ci ne deviennent trop grosses, donc source de douleurs et de stress. M. Séralini et ses collaborateurs ont gardés les rats étudiés pour les photographier au stade ultime de leur vie, ceci sans aucun scrupule. Le but est clair : impressionner le public par des photographies intolérables, photographies par ailleurs totalement inutiles dans le cadre des résultats présentés; il n’existe aucune justification scientifique à une telle cruauté et à un tel manquement à la déontologie. Aucune fin ne justifie de tels moyens.

25.05.2010

Cotonnades (encore !!!) et pantalonnades

Nous portons tous des vêtements en coton et sauf à acheter "BIO", il y a de bonne chance pour que votre robe et votre chemise contienne des fibres de coton OGM (coton Bt). Aujourd'hui plus de 50% des plantations de coton au niveau mondial sont constituées de variétés résistantes aux insectes ravageurs. Le succès de ces variétés vient essentiellement du fait qu'elles permettent une économie conséquente de pesticides avec des effets économiques, environnementaux et sanitaires positifs. Nous estimons, avec d'autres, que le coton pourrait devenir la première culture BIO-OGM avec tous les avantages qu'apportent une technologie moderne et un mode de culture respectueux de l'environnement. Mais il y a encore des idéologues pour qui le fait d'émettre cette simple idée constitue un scandale.

A ce propos, dans le dernier numéro de la revue de Swissaid figure une information intéressante. Tout d'abord, soyons clair, j'aime bien ce que fait cette ONG et je respecte son engagement sur le terrain, mais il faut bien avouer que le noyau dur et idéologique, franchement dogmatique, de gestionnaires qui a fait de la lutte contre les biotechnologies vertes une priorité stratégique, pose problème. Swissaid s'engage dans une voie sans issue entraînant avec elle les paysans des pays en développement à l'insu de leur plein grès.

Voici l'histoire: un petit village indien (Bhiwari / état du Maharashtra) se converti, sous l'impulsion de Swissaid, à l'agriculture BIO, c'est intéressant; bien entendu être "BIO", ce n'est pas simplement utiliser des méthodes de cultures douces, c'est être aussi, par principe, ontologiquement, anti-OGM; pas d'issue et pas de compromis possible, c'est tout ou rien. Il se trouve que le petit village, étiqueté "sans OGM", est entouré d'autres villages qui cultivent du coton Bt (coton OGM résistant au vers de la capsule et cultivé massivement en Inde). Les experts, bien suisses, de Swissaid qui soutien les paysans de ce petit village, décident donc qu'il est IMPOSSIBLE d'y cultiver du coton BIO. Pensez donc, il serait, ce coton, "contaminé", pour utiliser la phraséologie à la mode, par les cultures de coton Bt environnantes ; tout ce qu'on sait de la biologie du coton et de la pratique montre que ce scénario est purement fantaisiste ( http://ftp.jrc.es/EURdoc/22102-ExeSumm.pdf ), ce risque est nul. Ce qui compte c'est une pratique agricole douce avec un minimum d'engrais et de pesticides, ce ne sont pas les variétés cultivées qui vont y changer grand-chose. Il y aurait même un intérêt certain à cultiver les variétés Bt selon les méthodes de l'agriculture biologique ; un tel coton est déjà en vente chez H & M (Allemagne), c'est en tout cas ce que nous affirme le Financial Times (version allemande).

On demande donc aux paysans de renoncer à la culture du coton et de se consacrer à celles de haricots. Pourquoi pas ? Mais les raisons invoquées sont bancales. Il se peut donc que Swissaid agisse pour les motifs suivants :

  1. L'absence d'infrastructures permettant la prise en charge du coton BIO et l'absence de marché pour ce dernier dans la région concernée rend une telle culture inintéressante. Ceci est d'autant plus vrai que l'Inde vient d'interdire ce printemps l'exportation de coton et que le marché extérieur est donc fermé.
  1. Il est possible d'utiliser à des fins de propagande la décision des paysans de la commune concernée de ne pas cultiver de coton. La promotion de l'image de Swissaid en Suisse est ainsi assurée et son rôle de combattant tiers-mondiste et de fer de lance du mouvement anti-OGM affirmé, comme le titre de l'article le suggère : « Les irréductibles villageois de Bhiwari ».

A Swissaid de nous prouver le contraire et de nous démontrer que tout ceci n'est pas qu'une pantalonnade.

23.03.2010

Les nouvelles indulgences

Les indulgences étaient ces garanties de rémission des péchés, que l'église proposait aux fidèles à des prix variables mais jamais gratuitement : « Sobald das Geld im Kasten klingt, Die Seel'aus dem Fegfeuer springt » (« aussitôt que l'argent tinte dans la caisse, l'âme s'envole du Purgatoire ») ; La protestation théologique et séculière contre « les Indulgences » est l'une des causes de l'apparition de la confession réformée (protestante). Il semble qu'aujourd'hui l'achat de biens de consommation écologiques (verts ou BIO) constitue une forme moderne de l'Indulgence. Elle garanti, contre une prestation dument monnayée, un nettoyage efficace et rédempteur de la conscience.

Le numéro de février du magazine de la FRC relève effectivement que les grands distributeurs ne se gênent pas pour s'accorder une marge bénéficiaire sur les produits dits « BIO » au détriment du consommateur et sans contrepartie équivalente pour le producteur. Il s'agit donc bien, pour COOP et MIGROS, de prendre dans la poche de l'acheteur crédule une plus value injustifiable. Si l'acheteur accepte ainsi de se laisser gruger c'est qu'il y trouve sans doute un bénéfice, si ce n'est sur la qualité du produit lui-même, c'est probablement sur une valeur immatérielle.

Do Green Products Make Us Better People? (Des achats écologiques nous rendent-ils meilleurs?)

Dans un article de la revue « Psychological Science », Nina Mazar et Chen-Bo Zhong de l'Université de Toronto montrent que le fait d'avoir acheté massivement des produits étiquetés « écologique » libère la conscience morale du sujet. Cela va si loin que les individus ainsi dopés montrent un laisser-aller moral surprenant ; ils n'hésitent pas, en effet à tricher à un jeu d'argent, ce que font beaucoup moins les sujets du groupe de référence. J'avais déjà quelque raison de penser, à la suite de nombreuses années d'observation, que le souci de la bonne conscience écologique qui préoccupe nos contemporains avait des effets pervers, mais pas à ce point.

Ce mécanisme d' « auto-permission » morale pourrait expliquer les résultats contreproductifs de certaines mesures prises pour diminuer notre impact environnemental. Combien de ceux qui ont consciencieusement isolé leur logement se permettent-ils de chauffer plus longtemps dans la saison et à des températures plus élevée ? Combien de ceux qui votent « écologique » et achètent « BIO » se permettent-ils des voyages au long cours sous les tropiques ou l'Antarctique ? Combien d'écolos campagnards se payent-ils une grosse 4X4 parce qu'il faut bien pouvoir rentrer chez soi en hiver ?

Nous ne sommes pas des saints, tout le monde en est conscient, mais évitons de nous acheter une bonne conscience, cela nuit à notre santé morale.

01.03.2010

Une agriculture BIO - OGM ?

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La prolongation du moratoire anti-OGM est au menu de la session de printemps du Conseil national. Cette prolongation est sans doute acquise vu les forces en présence ; cela ne devrait pas empêcher nos élus de se poser des questions et de regarder un peu plus loin que la ligne bleue des Alpes.

Le succès des plantes OGM dans les pays en voie de développement déstabilise fortement le discours des milieux anti-OGM. Le cas des variétés de coton Bt résistantes au vers de la capsule qui causent des pertes considérables dans les cultures conventionnelles et biologiques est particulièrement frappant.


Le coton OGM constituait en 2009 un tiers de la production du Burkina Faso, soit 115'000 hectares. En Inde c'est 87% de la production de coton qui est de type Bt, avec comme conséquence une réduction de moitié de l'usage des insecticides. Même si ces statistiques sont à prendre avec la prudence qu'il convient (admettons une erreur de 10%), il faut bien constater que le succès de ces variétés auprès des agriculteurs et en particulier des petits agriculteurs est remarquable (en Inde la taille moyenne des cultures de coton Bt est inférieure à 2 hectares). Si l'on considère en plus la pression idéologique et financière exercée par certaines ONG suisses et européennes pour inciter les paysans à refuser ce type de cultures et à se tourner vers la production BIO on ne peut être qu'étonné.

C'est ce qui est arrivé à un reporter de la radio Suisse romande en mission au Burkina. Dans l'émission « Un dromadaire sur l'épaule » du mardi 23 février dernier celui-ci, en hâte de découvrir une plantation de coton BIO, qu'il admire d'ailleurs tant les plantes paraissent vigoureuses et saines, se retrouve en fait devant un paysan qui cultive du coton OGM et en parle spontanément avec beaucoup d'enthousiasme. Perplexité du journaliste qui s'inquiète par la suite de la confusion qui existe dans l'esprit du cultivateur entre coton BIOTECH et coton BIO ( Ici un extrait de 2 minutes de ce passage de l'émission).

En fait, ce paysan ne fait, avec son bon sens, que confirmer ce que tous les milieux scientifiques disent depuis deux décennies : l'avenir est dans une agriculture qui met ensemble deux pratiques qui ont un impact positif sur la préservation de l'environnement dans le cadre d'une agriculture durable. Nous l'avons-nous même suggéré dans deux articles anciens de ce blog articles anciens de ce blog. En fait c'est d'une agriculture BIOGM dont nous avons besoin. Imaginons le paysan indien ou burkinabé cultivant une variété de coton Bt avec une méthode BIO et se faisant payer pour la plus value !!! C'est pour demain ? Oui mais quelle révolution dans la tête des partisans de l'agriculture biologique pure et dure. Consulter à ce propos le document publié par l'Agropolis de Montpelier en 2006 : Coton Bio ou coton Bt : Une solution pour les paysans pauvres ?

Nos conseillers nationaux qui vont voter ces prochains jours une prolongation du moratoire anti-OGM seraient bien inspirés de regarder la réalité en face et de se demander pourquoi ce qui fait l'affaire du cultivateur américain, indien ou burkinabé devrait à coup sûr faire le malheur de nos paysans. Les OGM ne sont pas la solution à tous les problèmes qui se posent à l'agriculture mais font partie des solutions possibles.

07.12.2009

OGM et climat : la question de l’acceptation de l’expertise scientifique !

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Je jalouse mes collègues climatologues, physiciens de l’atmosphère, océanologues et autres géologues. Le public leur fait confiance, les admire, les média leur accordent leurs faveurs. Il y a bien quelques contestataires qui nient l’évidence, il y a aussi une théorie du complot, mais tout le monde aujourd’hui, sauf à être franchement de mauvaise foi, admet que l’accumulation des gaz à effets de serre, gaz carbonique en particulier est une réalité et qu’elle aura des conséquences sur le climat ; qui plus est il n’y a plus aucun doute qu’elle soit d’origine humaine. L'incertitude ne porte plus que sur la nature des changements climatiques au niveau local et sur la question de savoir si nous pouvons encore maîtriser la situation.

Cette soudaine confiance accordée à la communauté scientifique me laisse toutefois sceptique. Elle me paraît singulièrement artificielle. L’expérience que, en tant que biologistes, généticiens, sélectionneurs, agronomes, avons accumulés ces dernière années dans le domaine des biotechnologies appliquées à l’agriculture et en particulier des OGM montre que le public et les média nous font peu confiance et passent allégrement outre des recommandations maintes fois formulées. Nous répétons en effet depuis des années, qu'il faut investir dans tous les moyens et toutes les technologies qui permettront à notre agriculture de s'adapter rapidement aux situations nouvelles, conséquences des changements climatiques.

Les milieux scientifiques suisses unanimes se sont opposés au moratoire sur l’utilisation des OGM dans l’agriculture suisse, ils n’ont pas été entendus lors de la votation de 2005. Récemment, les Académies suisses des sciences ont protesté contre la proposition de prolongation du moratoire par le Conseil Fédéral et montré à quelle point elle était injustifiée, contre-productive et envoyait à la population suisse un mauvais message. Elles n’ont pas été entendues par le Conseil des États qui a accepté cette proposition de prolongation. Cependant, elles font là leur travail d'alerte scientifique et de prospective. Ce sont elles qui, en créant dans les années 70 un groupe d’analyse sur les changements climatique (actuellement ProClim), avaient attiré l’attention du gouvernement sur les dangers de l’augmentation de la concentration en gaz carbonique (rétrospectivement sans grand effet politique).

Je ne peut que partager le sentiment de mon collègue Dominique Bourg (ce matin dans Forum sur la RSR) lorsqu'il dit à propos des quelques scientifiques climato-sceptiques qui contestent la réalité de la nature anthropogène de l'augmentation du taux de gaz carbonique: qu'il n'y parmi eux aucun qui soit vraiment compétant, que certains ont certainement des intérêts financiers en jeu et enfin que d'autres ont des motifs psychologiques peu clairs. Ce qui est plus grave: tous les arguments qui sont mis en avant pour nier l'évidence sont éculés, vieux de plusieurs années et ont été tous largement réfutés.

Tout ceci s'applique exactement mot pour mot à la poignés de scientifiques militants contre l'utilisation des OGM dans l'agriculture (en Suisse on les compte sur les doigts d'une main). Il serait grand temps qu'on écoute enfin ce que les milieux scientifiques suisses engagés ont à dire sur le sujet: il n'y pas que le climat qui fait problème aujourd'hui.

19.09.2009

Mort du père de la « révolution verte »

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Norman Borlaug, prix Nobel de la Paix et père de la « révolution verte », vient de décéder le 12 septembre à l’âge de 95 ans. A notre connaissance, la nouvelle n’a pas fait l’objet d’un seul commentaire dans la presse romande. La recherche agronomique moderne et ses impacts sur la production alimentaire ne font manifestement pas partie des sujets intéressants dans notre pays de gens bien (trop) nourris. Serait-ce un mauvais signe ?

Borlaug n’est connu chez nous que par les invectives que les milieux activistes de l’écologisme politique lui ont adressé pour ses prises de positions très claire en faveur d’une approche multidisciplinaire des problèmes de l’agriculture intégrant les méthodes modernes d’amélioration des plantes cultivées (en particulier les OGM). Venant d’un homme bénéficiant d’une longue expérience pratique et dont la carrière est auréolée d’une multitude de prix prestigieux dont le Nobel, l’affirmation selon laquelle les biotechnologies constituent une part essentielle d’une agriculture durable a son poids. Ce n’est donc qu’en dénigrant la « révolution verte » et ses résultats que l’on pouvait saper l’autorité de ce scientifique de haut vol, praticien et sélectionneur de talent. L’introduction de nouvelles variétés à haut rendement dans les années 60 n’aurait qu’aggravé la dépendance aux engrais et pesticides, la main mise des multinationale semencières sur la filière agricole. Inutile de rappeler la somme de mauvaise foi, voire de bêtise qu’il y a dans ce genre d’argumentation ; il n’en reste par moins qu’aujourd’hui, dans nos sociétés occidentales qui ignorent la faim, ce point de vue fait partie des idées reçues.

On oublie aisément que l’augmentation de la productivité des céréales essentielles (maïs, blé et riz) a sauvé de la malnutrition des millions d’hommes de femmes et d’enfants et qu’aujourd’hui, si la production de céréales est globalement suffisante, c’est bien parce que ce type agriculture est un succès. Des pays comme la Chine et l’Inde lui doivent leur quasi autosuffisance alimentaire.

Il faut relire le discours de Borlaug donné en décembre 1970 lors de la remise du prix Nobel, pour apprécier sa clairvoyance. Il y récuse l’utilisation de l’expression « révolution verte », affirmant que l’amélioration des plantes cultivées est un processus dynamique et continu qui ne procède pas par sursaut mais qui ne peut ni ne doit cesser, et dans lequel il s’agit avant tout d’être critique, ouvert et vigilant. Il y dénonce aussi la vision malthusienne selon laquelle l’augmentation de la productivité agricole ne ferait que stimuler la croissance démographique.

Il faut lire aussi son discours de septembre 2002 devant le comité Nobel norvégien dans lequel il fait état du bilan des 30 années passées et surtout des problèmes actuels de la sélection des plantes cultivés (amélioration de la productivité, résistances aux pathogènes). Il nous confirme que nous devrions doubler la productivité agricole d’ici 2025. Il y critique les collectivités publiques et les gouvernements pour leur désengagement de la recherche agronomique de pointe et son abandon au secteur privé. Il y voit à juste titre à la fois l’action dogmatique d’une droite qui ne voit que par « le marché » et d’une gauche dogmatique minée par un écologisme de bazar qui refuse tout investissement dans une recherche agricole moderne. Il reproche aussi aux gouvernements de privilégier une approche basée sur l’illusion du risque zéro, dont le seul effet est de priver les agriculteurs des outils dont ils ont besoin pour assumer leur tâche.

Son message final est clair : « Les scientifiques ont l’obligation morale d’attirer l’attention des leaders politiques & religieux, des milieux de l’éducation sur l’importance et le sérieux de la situation à laquelle nous faisons face en ce qui concerne les surfaces de terres arables, la démographie, la nourriture et l’environnement. Ces problèmes ne se résoudront pas d’eux-mêmes. Si des solutions raisonnables basées sur la science de sont pas mises en applications nous ne pourrons que difficilement assurer le futur.»

10.08.2010

Petite lecture pour l'été

Il est toujours bon d'avoir, à côté des romans et recueils de poèmes indispensables, un petit livre utile pour les grands débats de la rentrée. Dans ces temps de restrictions budgétaires, inévitables et impopulaires, s'interroger sur le coût réel et les conséquences d'un écologisme à la mode ne fait pas de mal.

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Aujourd'hui il est devenu presque inévitable de recourir à des réglementations de plus en plus complexes pour gérer la vie sociale et communautaire. Ces réglementations lorsqu'elles s'attaquent à des problèmes de santé publique ou de gestion de l'environnement sont parfois justifiées mais trop souvent basées sur des a priori sans bases scientifiques solides. Si les politiques, auxquels revient la responsabilité de légiférer, le font souvent à bon escient il leur arrive de plus en plus d'écouter et de prendre pour bon argent les vociférations des prêcheurs de l'apocalypse.

Le livre de Jean de Kervasdoué Les prêcheurs de l'Apocalypse :

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Pour en finir avec les délires écologiques et sanitaires, paru en 2007 chez Plon mais réédité l'année passée chez Hachette / Littérature, augmenté d'une postface nous met en face de nos responsabilités. Nous devrions cesser d'écouter ceux qui font profession de crier au loup, mais nous recentrer sur une approche rationnelle et consensuelle des problèmes. Si nous ne le faisons pas, ce sont non-seulement nos impôts et les prix qui vont nous rappeler à la raison, mais aussi les effets à terme de notre aveuglement et de notre fascinations pour les modes du jour qui vont compromettre ce développement durable tant souhaité. Dans les domaines de la santé c'est un délire toxicologique ou la panique devant une pandémie possible mais incertaine, dans celui de l'agriculture c'est la phobie des OGM et autres biotechnologies, dans le domaine climatique c'est une foi injustifiée en des énergies de substitution supposées non-polluantes. Les bons sentiments ne font pas une politique, les bonnes intentions non plus. Nous devons savoir prendre des risques, nous réapproprier les savoirs technologiques et scientifiques tant décriés par l'écologisme politique. Le monde est fini, les ressources naturelles sont limitée et d'ici 2050 il y aura 2 à 3 milliard d'être humains de plus sur notre petite planète. Il va falloir partager, nous serrer la ceinture; soyons donc un peu sérieux.

Lisez Kervasdoué, c'est intelligent et ça fait réfléchir; une sorte de fitness pour l'esprit.

24.05.2009

Le journalisme et le doute

Le journaliste français Jean-Claude Jaillette vient de publier un livre intitulé "Sauvez les OGM". Le fait est suffisamment rare, d'un intellectuel français prenant sa plume pour rétablir certaines vérités au delà de la propagande et du politiquement correct pour que nous y consacrions un article de blog. L'excellente émission de la RSR Médialogues avait d'ailleurs parlé de ce sujet, le 14 mai dernier.

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La situation de Jean-Claude Jaillette est tout à fait remarquable. Jaillette est en effet connu en France pour être l'un des journalistes à l'origine de la campagne de refus et de dénigrement des OGM. Journaliste à Libération, il a été en responsable en novembre 1996 de l'article de intitulé « Alerte au soja fou », que d’aucuns considèrent comme le lancement en France du lynchage médiatique des OGM.

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Jaillette reconnaît aujourd'hui que la problématique de la technologie transgénique est minée par l'idéologie. Toute la réflexion sur le sujet a quitté le terrain du débat rationnel et démocratique pour entrer dans une polémique idéologique se situant dans un milieu strictement politique. Pour l’auteur, il faut "sauver" les OGM car ils sont indispensables à une agriculture durable. L’auteur rappelle cruellement qu’« autour de la France barricadée » (il aurait pu ajouter presque toute l'Europe et la Suisse) , la recherche continue : Monsanto investit 2 millions de dollars par jour dans ses programmes, alors que le gouvernement français annonce un hypothétique et imprécis plan de 45 millions d’euros… sur 3 ans; sans parler de Syngenta, Bayer et autres.
Pourquoi l’activisme de Greenpeace contre les OGM est-il quasi absent aux États-Unis (là où se concentrent 50 % des cultures OGM) et si virulent en Europe (où la culture des OGM est marginale) ? Réponse de l’auteur : une affaire de gros sous pour l’organisation « toujours à la recherche des meilleurs créneaux pour drainer des contributions financières ». De nombreuses ONG ont d'ailleurs fait du slogan "non aux OGM" leur slogan favori (sans grand risque pour elles-même et au mépris des intérêts des agriculteurs).
En passant Jaillette dénonce l'imposture de certain de ces confrères et consœurs, qui sans s'embarrasser de nuances montent tous de le train anti-OGM avec des articles et documentaires partial et résolument partisans et avec la complicités de certaines chaînes télévisions et autres médias à la recherche d'audience, qui préfèrent diffuser un documentaire anti-OGM plutôt qu'un reportage sérieux sur le sujet.
« La religion anti-OGM a besoin de martyrs »; J.-C. Jaillette déconstruit, preuves à l'appui, l'histoire soigneusement arrangée de l’agriculteur canadien Percy Schmeiser (attaqué en justice par Monsanto pour avoir cultivé clandestinement du colza OGM) et le mythe des chercheurs maudits soit-disant privés de crédits parce qu'ils ont publié des résultats critiques.
Le vent tourne, le doute s'installe dans les milieux du journalisme; certains commencent à réaliser la manipulation dont ils ont été et sont encore l'objet de la part de certains milieux environnementalistes et tiers-mondistes. Le succès des plantes transgéniques hors d'Europe et tout à fait remarquable. Sauf à considérer les paysans américains, africains & indiens comme de pauvres types incompétents, victimes d'une conspiration économique cynique dirigé depuis St Louis (USA) il convient maintenant de réaliser qu'ils ont peut-être des arguments valables pour avoir fait ce choix. Ce choix sera-t-il bientôt offert aux agriculteurs européens (et suisses)? La recherche agronomique publique sera-t-elle vraiment encouragée? Questions pour le moment sans réponses.

09.05.2009

Pour une nouvelle agriculture biologique

L'agriculture biologique est à la mode. La grande distribution a fait son cheval de bataille de l'alimentation BIO, les cotonnades BIO sont très "fashion". Mais qu'en est-il vraiment sur le terrain? Il apparaît que, figée dans une doctrine (voir plusieurs doctrines), le mouvement BIO a de la peine à innover. La volonté de renoncer à des pesticides "naturels" mais cependant nocifs, la mise en culture de variétés nouvelles résistantes aux maladies ne sont toujours que promesses. Les contraintes idéologiques imposées par une vision fondamentaliste de l'agriculture sont-elles raisonnables? Un livre paru récemment suggère des voies nouvelles.

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Des aliments génétiquement modifiés certifiés BIO sur notre table? Comment les progrès de la génétique pourraient-ils contribuer à l’agriculture biologique? Mariés, Pamela C. Ronald et Raoul W. Adamchak forment un couple inhabituel; lui, pratique l'agriculture biologique (organic farming), elle est professeur de génétique végétale à l'université de Californie à Davis et a développé de nouvelles variétés de riz résistantes aux stress et maladies. Ils ont publié en 2008 un livre intitulé "Tomorrow's Table, Organic Farming, Genetics and the Future of Food" (La table de demain: agriculture biologique, génétique et la nourriture du futur). Comme chaque américain ils consomment depuis des années, du maïs sucré, des papayes et des courges transgéniques.
Confrontés aux problèmes de l'agriculture moderne, production de proximité, diminution des intrants (pesticides, engrais), besoin d'un revenu décent, les deux partenaires plaident pour une agriculture intégrant de manière raisonnée les progrès de la biologie moderne et, parmi eux bien entendu, ceux apporté par les biotechnologies au travers des variétés végétales génétiquement modifiées (OGM). Cet ouvrage (non disponible en français pour le moment) rapporte de manière très vivante les débats ouverts qui ont lieu en Californie, état américain qu'un certain art de vivre rapproche de l'Europe. Ce genre de débat n'est pour le moment pas possible en Suisse et Europe; figés dans un dogmatisme d'un autre âge, instrumentalisé par certains milieux politiques, soutenus par la grande distribution qui engrange de juteux bénéfices, les milieux de l'agriculture biologiques sont réfractaires à toute mise en cause de leurs certitudes. Ils ne trouvent que bénéfices dans une attitude conservatrice qui n'est jamais remise en cause.
Une étude en cours dans le cadre du programme national de recherche PNR 59 (voir le rapport N°2), semble montrer que confronté à un réel choix, le consommateur n'hésite pas à acheter un produit étiqueté OGM si il est bien informé. C'est signe qu'il y a un futur pour un dialogue entre agriculteurs, scientifiques et consommateurs et que de réels progrès de l'agriculture sont possibles même chez nous.

04.05.2009

Finis les labours

Il est toujours intéressant pour le rat des champs, habitué à parcourir journellement la campagne avec son chien, de recevoir ses amis rats des villes. Leurs étonnement à la vision de l'agriculture telle qu'elle se pratique aujourd'hui est sans borne. De la ferme à libre parcours avec ses robots de traite automatique jusqu'aux cultures sans labourage il est vrai que beaucoup de traditions sont remises en question. Les jeunes agriculteurs d'aujourd'hui sont sans complexe, prévoyant leur futur dans un monde économique compliqué, engagés dans la perspective d'une agriculture durable, ils investissent, avec courage et intelligence dans de nouvelles techniques avec tous les risques que cela comporte. L'agriculture sans labourage avec semis direct est l'une de ses techniques.

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Le labourage traditionnel consiste à retourner le sol sur une profondeur allant jusqu'à 25 ou 30 cm. Le but principal de ce travail consistant à détruire la végétation d'adventices ou les restes de cultures précédentes pour permettre aux jeunes semis de se développer normalement sans concurrence. On a parfois attribué à ce labourage d'autres fonctions, en particulier une prétendue aération des sols. Il n'en reste pas moins que les pédologues1 ont depuis longtemps tiré la sonnette d'alarme en attirant l'attention sur les conséquences négative de cette pratique: érosion, diminution des capacité de rétention d'eau, perturbation de la faune du sol, etc. . Le développement de nouvelles machines et des herbicides a changé la donne. Il est possible aujourd'hui de préparer un champ par un traitement herbicide (glyphosate, ou autre) puis de semer presque immédiatement sur un sol encore couvert de végétation (semis direct). On y gagne en temps de travail (30 à 50%) en frais de carburant (50 à 80%).

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La faune du sol, en particulier les vers de terre [1], est beaucoup plus abondante dans les cultures ainsi préparées et les qualités édaphiques2 du sol s'en trouvent améliorées. Le sol ainsi conservé résiste mieux aux lessivages des éléments nutritifs et à l'érosion, il conserve aussi mieux l'humidité. Il peut aussi constituer un puits à carbone intéressant comme l'ont montré, lors d'une étude à long terme, des chercheurs de l'Agroscope de Reckenholz [2]

Les sols restent le bien le plus précieux de l'agriculture. La disparition des surfaces cultivées, souvent les meilleures, livrées à la construction, elle-même liée à la surpopulation (la population du globe a doublé depuis 50 ans) est une réelle tragédie, aussi grave que les changements climatiques. Il semble que en dehors des milieux agricoles, ceci ne soit pas une préoccupation, ni chez les urbanistes, ni chez les responsables de l'économie. Pour beaucoup d'entre nous le sol ne s'estime encore qu'au prix du mètre carré, c'est une aberration.

A lire: "Le labour obsolète", Pour la Science, N° 378 d'avril 2009 et à consulter le site de l'association suisse NO-TILL. Dans un même ordre d'idée un article sur l'histoire des jachères mérite votre attention: "La jachère, d'une signification à l'autre" Pour la Science N°374 de décembre 2008

31.03.2009

Coton bio et coton biotech: durables ?

Helvetas entreprend ces jours-ci une campagne de promotion du coton BIO. Nul ne doute qu'elle sera suivie avec enthousiasme par les grands distributeurs et les marques de tee-shirt et autre costumes de bain (Migros, Reinhart, Switcher, …). Cela fait plusieurs années que les organismes privés et public de coopération avec les pays en voie de développement encouragent une production de coton conforme aux règles de l'agriculture biologique (cf Helvetas: Guide de production du coton biologique et équitable) . La logique derrière ces initiatives est double:

1. d'une part permettre à de petits producteurs de commercialiser leur production dans une perspective de commerce équitable et donc de bénéficier d'un revenu en dessus de la moyenne locale.
2. d'autre part ménager la santé des paysans et de leur famille par une diminution drastique de l'usage de pesticides et protéger l'environnement par une gestion du sol qui proscrit l'usage des engrais minéraux et favorise le compostage.

On ne peut donc que se réjouir du succès probable de la campagne. Il convient cependant de se demander si tous les buts fixés sont vraiment atteints et si à long terme, obliger par le biais d'une pression commerciale exercée par les consommateurs suisses, des paysans africains ou indiens à se convertir à l'agriculture biologique va dans le sens d'une agriculture durable.
Au Burkina Faso, le coton est une industrie (50 à 70% des recettes d'exportation), mais aussi un problème; la forte variation des cours et de la demande mondiale en font un secteur de l'agriculture très sensible à toutes les perturbations de l'économie mondiale. Il n'en reste pas moins que pour le moment, ce pays a besoin de ces cultures pour équilibrer sa balance de paiements. Les producteurs de coton biologiques sont protégés par les engagements pris par les OGN à leur égard, mais ceux-ci sont bien entendu à la merci de leurs partenaires; d'où la nécessité pour Helvetas de lancer sa campagne publicitaire.
Au Burkina, lieu privilégié de l'action de la coopération suisse, environ 1% du coton est cultivé en "biologique", Helvetas souhaite arriver à 5% ces prochaines années. Le "biologique" est donc manifestement une agriculture de niche. Le coton BIO est payé le double du coton ordinaire. Ce sont essentiellement de petits paysans, souvent des femmes, qui pratiquent ce genre de culture, certains n'avaient même jamais cultivé du coton auparavant. La faible productivité par hectare du coton bio (environ la moitié de celle du coton conventionnel) reste cependant un problème. Une récente étude du CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) montre d'autre part une inquiétante baisse de la fertilité des sols, due à l'insuffisance d'apport d'engrais minéraux (en particulier potassium), apport limité par les règles draconiennes de l'agriculture biologique (cf. Le coton biologique en question dans les exploitations familiales d'Afrique).
Le Burkina présente une autre particularité qui en fait un cas d'école: c'est le premier pays africain après l'Afrique du Sud à cultiver du coton transgénique (variétés à double résistance vis à vis des lépidoptères ravageurs). 2% environ des surfaces de coton sont cultivées (2008-2009) en coton Bt; à titre de comparaison en Inde ce sont plus de 60% des surfaces qui sont cultivées en coton Bt. Les projections pour 2009-2010 seraient pour le Burkina de décupler ces surfaces. Selon les agriculteurs concernés, la diminution du nombre de traitements (1 à 2 contre 6 à 8 pour le coton conventionnel) conduit en fin de compte à une marge bénéficiaire plus importante malgré le prix plus élevé des semences. La diminution du nombre de traitements insecticides correspond aussi à une meilleure situation sanitaire des agriculteurs et de leur famille et à un plus pour l'environnement.
Il n'y a donc pas de solution miracle pour le coton. Les limites de la production biologique sont connues, le potentiel des nouvelles variétés de coton OGM est réel. L'Afrique deviendra peut-être le lieu d'une vraie réflexion sur l'agriculture durable. Une agriculture dont on peut imaginer qu'elle sera une combinaison intelligente de l'agriculture bio, mais un bio débarassé de sa composante dogmatique (cf. argumentaire contre le coton Bt à l'usage du paysan africain), et d'une agriculture biotech. Ce sera bien sûr aux africains d'en décider, ni aux européens ni aux suisses.

Rappelons ici par la même occasion que nous sommes en 2009: l'Année internationale des fibres naturelles.

14.11.2008

Manifeste pour une interdiction du chocolat

Qu’est ce qui pourrait me pousser à exiger de l’OFSP une interdiction totale et immédiate du chocolat sur le territoire suisse ? Ce sont des études très sérieuses effectuées sur le chien qui démontrent que la consommation de chocolat conduit à une intoxication grave voire, dans certains cas, à la mort. Aucune étude à long terme n’a été faite sur les humains (j’ai vérifié) ; il se pourrait que bien des maux qui affectent notre civilisation moderne soient liés à une consommation chronique de chocolat sur une longue période et sur plusieurs générations. Le principe de précaution doit être appliqué. Vous trouveriez sans doute que j’exagère, mais c’est pourtant bien ce que Greenpeace nous propose ces jours ci.

Greenpeace exige en effet de l’OFSP une interdiction immédiate des aliments obtenus à partir de plantes génétiquement modifiées (PGM-OGM) « L'Office fédéral de la santé publique (OFSP) doit absolument agir et supprimer l'autorisation de commercialiser toutes les plantes GM déjà autorisées en Suisse. ». A l’appui de sa demande, Greenpeace fait état d’une étude mandatée par le gouvernement Autrichien et qui a été présentée lors d’un colloque ad hoc ce 11 novembre 2008 à Vienne. Cette étude, selon Greenpeace, montrerait que «.. des souris nourries avec du maïs GM ont donné naissance à des souriceaux moins nombreux et plus faibles.. » ; la conclusion, toujours selon Greenpeace, serait que «.. des couples devraient renoncer à leur désir d'enfant parce qu'ils ont été rendus stériles par l'ingestion d'aliments GM. ». On reconnaît là le type de dialectique simpliste pratiquée par cette organisation.

Mais direz-vous : « cette étude sur les souris, c’est quand même du sérieux !!! ». Disons tout de suite que la méthode utilisée pour rendre publique cette étude est pour le moins étrange et soulève de nombreuses questions. Pourquoi le gouvernement autrichien a-t’il utilisé la voie d’un colloque ad hoc pour communiquer ? Pourquoi cette étude n’a-t’elle pas fait l’objet d’une publication dans un journal scientifique et n’a-t-elle pas été soumise à contrôle et à révision par la communauté scientifique? Pourquoi n’autorise t’on pas les chercheurs impliqués à divulguer eux-mêmes leurs résultats? Ces pratiques, que l'on reproche à juste titre à certaines industries ne sont pas tolérables de la part d’une institution publique. S’agirait-il de la part du gouvernement autrichien, notoirement opposé à l’introduction des OGM dans l’agriculture de l’UE, de mettre dans l’embarras la commission de Bruxelles et de susciter une crise ? On sait que le temps presse, que les arguments des opposants aux OGM, répétés ad nauseam, ne font plus mouche et doivent être recyclés, trop d'intérêts sont en jeux, ceux de la lucrative filière BIO en particulier.

L’étude elle-même, ou tout au moins ce qui en a été publié sur internet, n’apporte rien de nouveau. Les différences observées entre diètes avec ou sans OGM (nombre de souriceaux de la 3ème ou 4ème portées) sont minimes et les conclusions hâtivement tirées des résultats obtenus sont basées sur une analyse statistique rudimentaire et inappropriée. Dans le même esprit, on aurait pu tirer de cette étude des arguments en faveurs des OGM comme la plus grande longévité des souris ayant consommé du maïs OGM, la moins grande mortalité des petits, et le reste à l’avenant.

Toutes notre sympathie va aux responsables scientifiques de l’étude autrichienne qui, apparemment contre leur gré, ont du se prêter à cette mascarade. Nous attendons une publication en bonne et due forme dans un journal scientifique. De toute manière nous sommes des hommes, pas des souris.

Quant à moi pour l’Escalade, foi de genevois, j’achèterai une marmite en chocolat (contenant bien entendu de la lécithine de soja transgénique comme tous les chocolats suisses !).

04.10.2008

Enfin une récompense

Les bonnes nouvelles sont rares, mais il y avait une en cette fin de semaine. Le rupestre était déjà très satisfait de l'augmentation des surfaces de roches et autres bétons mises à disposition des rupestres vaudois par la mise en route du métro M2, il avait vu avec nostalgie les vaches ruper leur dernière herbes d'alpage et suivit la dernière desalpe de ce samedi et voilà maintenant qu'il obtient un prix prestigieux, même si c'est bien entendu collectivement et qu'il doit le partager avec tous ses concitoyens .

En effet, en ce froid début d'automne 2008 tombe une nouvelle que personne n'attendait mais qui nous réjouit tous: le prix Ig Noble de la paix vient d'être décerné en date du 2 octobre 2008 à la Commission Fédérale d'Ethique dans le Domaine Non-Humain (EKAH) et aux citoyens suisses. Il s'agit d'un honneur rare et qui pour la première foi honore le travail d'un collectif de scientifiques travaillant pour la Confédération Hélvétique sur mandat du peuple suisse. C'est donc sur notre gouvernement et sur nous tous que rejaillit la gloire. L'EKAH a été représentée à Harvard par l'un de ses membre éminent, le Dr. Urs Thurnherr de Karlsruhe qui a fait le déplacement à ses frais (ça ne coute rien au contribuable). Le prix nous est bien entendu attribué pour avoir adopté le principe légal de la dignité des plantes.

Je ne peux qu'inviter chacun, en ces jours froids et pluvieux à lire attentivement le texte original du rapport, si il ne l'a déjà fait, pour en apprécier le caractère complexe et le côté surréaliste. Il comprendra alors tout le sens du prix qui vient de lui être attribué ad personam.

Pour conclure et parachever ce petit mot récitons tous en coeur la devise humaniste du prix IgNoble " Rire d'abord et penser ensuite" .

15.07.2008

Entretien avec un chou-fleur

Ce matin, seul, je buvais mon café au lait sur le coin de la table de la cuisine lorsque j’entendis une petite voix m'interpeller : « J’ai lu le journal par-dessus ton épaule et je trouve ce texte très intéressant ».

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C’était le petit joufflu posé sur son assiette qui parlait ainsi. Bien sûr, il était destiné au plat à gratin, son avenir était scellé, mais il avait semble t’il quelque chose à me dire. Au lecteur interloqué qui se demande si je plaisante, je dirais que non. Non, je ne plaisante pas. Une familiarité d’un demi siècle avec les plantes, dans mon laboratoire et au dehors font que je comprends mieux leur langue que le russe ou le japonais3. Certes elles ne parlent souvent que par allusion, sobrement, se contentant de nous piéger par leur beauté et leur parfum ; mais il m’est arrivé quelques fois de les entendre s’exprimer sur des sujet très savants ; j’ai chaque fois publié notre entretien ce qui m’a valu une certaine notoriété scientifique.

  • J’ai donc répondu ce matin : « Oui, c’est le rapport de la Commission fédérale d’éthique pour la biotechnologie dans le domaine non humain (EKAH) sur la dignité de la créature dans le règne végétal qui a été publié ce printemps. Je suppose que tu te sens concerné »
  • « Bien sûr ; il y a des fois où je ne me sens pas très normal, un peu trop gros ; et puis toutes ses inflorescences immatures et stériles, elles me font douter de mes capacités sexuelles. J’ai lu dans ce rapport que j’aurais sujet à me plaindre ; si je le faisais trouverais-je des oreilles attentives. ?»
  • « Ne t’y trompe pas » lui dis-je, « Ce rapport est destiné aux hommes, aux politiciens, ce sont eux qui font les lois. On protégera votre autonomie, votre capacité de reproduction et d’adaptation (sic). Tu vois bien que ta vie sexuelle sera prise en compte, peut-être ta tendance à l'obésité aussi. Mais derrière tout cela il y aura un agenda politique, alors n'espère pas trop.»
  • « Tu le sais bien, nous avons toutes des problèmes de sexe et les hommes ça les ennuie. Ils voudraient que tout soit simple, normal. Mais nous on est bisexuées, polyandres, polysexuées, parfois stériles, apomictiques ( ??? voir la note4) et puis le pire, c’est qu’ on se clone soi-même sans retenue. Et puis mon obésité, je n’ose même pas en parler, les écologistes et les socialistes disent que ce n'est pas normal, que c'est une perversion de la société capitaliste moderne que de produire de grosses plantes. Pourtant on m'aime bien en Inde. »
  • « Arrêtes » lui répondis-je « tu vois bien que personne ne te comprends; surtout pas les théologiens et les éthiciens pour qui seuls existent le féminin et le masculin, quant aux autres !!!».
  • « C’est vrai, mais pas très rassurant:. Explique-moi pourquoi les hommes en veulent tellement à mes cousins transgéniques (j’ai toute une parenté de colza OGM émigrée au Canada; nous nous parlons de temps en temps), ils ne sont pas anormaux, ils sont plutôt sympa ? J'ai entendu dire que, même en Suisse, il y a des gens qui nous massacrent en nous piétinants, en nous arrachant, n’est-ce pas contre notre dignité de plante »
  • « Ne te fais pas tant de soucis » rétorquais-je, « tu vois bien que malgré ton obésité et ta sexualité difficile à comprendre, on t’aime bien et qu’on a finit par t’adopter ainsi que tes cousins italiens le broccoli et le romanesco . On finira bien par aimer aussi tes cousins canadiens OGM. Et puis on va peut-être créer un poste d’avocat des plantes ; tes cousins et toi pourrez vous plaindre si l’on vous moleste ; c’est un progrès n’est-ce pas ?»

J’entendis un soupir, puis notre conversation s’arrêta là. Mon chou-fleur me recommanda encore de mettre un peu de fromage sur le gratin, mais pas trop pour ne pas casser le goût. Je lui ai promis et il m’a souhaité bon appétit.

12.06.2008

Ras la patate

2008 : L’année de la pomme-de-terre est là pour nous rappeler le temps perdu ; il y a presque dix ans en 1999, un ukase de l’inénarrable Philippe Roch met fin, définitivement, aux travaux de recherche de la Station Fédérale de Recherche Agronomique de Changins consacrés au développement de variétés résistantes au mildiou.

On a tout entendu depuis ; les promesses des agriculteurs BIO de renoncer, dès 2005, oui, oui, juré, aux calamiteux sulfate de cuivre, fongicide de grand-père, polluant des sols, tueur absolu de toute la flore fongique du sol ; les élucubrations des tiers-mondistes qui nous promettaient la pomme-de-terre bleue, celle qui résiste à tous les pathogènes, qui est cultivée par les paysans andins, celle qui allait remplacer la Bintje maudite de la grande agriculture dépravée du monde occidental. Rien de tout cela ne s’est produit. Nous avons perdu 10 ans à regarder le monde changer avec notre bonne conscience (socialiste, écologiste, tiers-mondiste, …)

Aujourd’hui la pomme-de-terre biologique est pratiquement introuvable et l’agriculteur bio continue de pulvériser sur son champ insecticides (autorisés) et autres fongicides (autorisés eux aussi); mais c’est juré, pas plus de 3 kilogramme par hectare et par an de sulfate de cuivre et tant pis pour les mycorhizes. Quant à la Bintje et autres Charlottes, il faut bien que l’agriculteur lambda s’y mette pour satisfaire la faim de la populace et quand ça ne suffit plus on autorise l’importation de 5000 tonnes de patate égyptienne (priorité à l’Eurofoot bien entendu), sans état d’âme et sans s’offusquer de ce que l’on vole ainsi le pain de la bouche d’un peuple qui, cette année, a de la peine à se nourrir.

Oui j’en ai ras la patate.

Avez-vous entendu Adèle Thorens, la porte parole de la bonne conscience écologiste verte hier soir 12 juin 2008, aux infos sur la RSR ? La recherche scientifique sur les OGM, oui nous sommes pour, c’est pour cela qu’il y a un moratoire. Non, nous ne sommes pas contre, mais …. Que ces absolutistes à tous crins le disent, qu’ils aient le courage de leur religion. Ils n’en veulent pas, mais pas du tout. Ce qu’ils veulent ce sont des scientifiques à genoux qui demandent pardon qui promettent de renoncer à tous ces travaux diaboliques. Ils rêvent avec leurs amis popistes et autres anciens communistes d’un nouveau Lyssenko qui les débarrasserait de la génétique bourgeoise et capitaliste et qui leur promettrait une vraie agriculture pour le peuple par le peuple. Ils sont prêt à faire tous les procès possible à chaque proposition d’essais en champ, que cela ait déjà coûté plusieurs centaines de milliers de francs en frais de procédure ne les intéresse pas, ils continuent. Trois ans de plus pour le moratoire c’est tout ça de gagné. Et puis, il y a le principe de précaution, cette trouvaille idéologique géniale dont la définition fumeuse et contestée permet d’interdire à peu près tout sans aucune justification, alors pourquoi s’en priver.

Des chercheurs Lyonnais et Genevois viennent de publier dans un récent numéro de la revue scientifique PNAS [3] leurs résultats portant sur 10 ans de cultures de maïs transgénique Bt. Pas de trace de transfert de gène de résistance aux antibiotiques dans le sol, donc pas de risque. Ce résultat était prévisible et dans la logique de nos connaissances, mais enfin il fallait le démontrer pour que le sceptique St Thomas y croie, c’est fait.

Dix ans de perdus pour la pomme-de-terre, ce sont aussi dix ans de perdu pour la protection de l’environnement, pour une agriculture durable et pour les pays en voie de développement, et merci à Martine Brunschwig-Graf de l’avoir rappelé dans la même émission de la RSR.

Oui « le rupestre » est fâché, il a de la peine à retourner à son jardin pour le cultiver comme le lui recommande la sagesse.

15.05.2008

Mourir de faim ? Pourvu que ce soit sans OGM

En ces jours où la détresse alimentaire fait la une des journaux il est de bon ton de se demander si le recours aux plantes transgéniques (OGM) pourrait être une solution. A cela on trouve deux types de réponse.

  • La première, très à la mode dans certains milieux de l’aide au développement, est de clamer haut et fort que, si les pauvres ne mangent plus à leur faim, c’est que le commerce mondial est injuste, qu’il y assez de nourriture, mais que les plus démunis ne peuvent ni se la procurer ni, surtout l’acheter.
  • La deuxième est de considérer que les pays pauvres manquent surtout de moyens efficaces de produire de la nourriture et qu’il suffirait d’améliorer la qualité des semences et de donner au paysans, accès aux méthodes modernes de l’agriculture (en recourant même, lorsque cela s’avère nécessaire, aux OGM).

Un récent rapport de la Croix-Rouge suisse au Libéria montre de manière claire que le facteur essentiel qui amène à une sous-nutrition chronique, voir à une famine endémique, est le déficit de la production agricole locale et de l’infrastructure nécessaire à sa mise en valeur :

  • Etat des routes insuffisant en milieu rural
  • Insécurité, harcèlement conduisant aux refuges en zone urbaine (moins de main d’œuvre agricole et augmentation excessive de la taille des villes)
  • Fort syndrome de dépendance (lié à l’intervention inadéquate de certaines ONG)
  • La prévalence des parasites, des insectes et des maladies virales des plantes
  • L’instabilité des prix des semences (spéculation au début des semailles)
  • Un entreposage des semences défectueux et insuffisant
  • La qualité insuffisante des semences locales (moins de 30% de pouvoir germinatif)
  • Un système d’échange de bonnes semences pratiquement inexistant
  • Pratiques agricoles traditionnelles inadaptées (cessation de l’activité agricole entre récolte et semailles)

On peut tirer des conclusions utiles de ce rapport qui peut s’appliquer avec de petites nuances à l’ensemble de l’Afrique tropicale. L’effort doit être concentré sur le développement de l’infrastructure des transports, l’augmentation la capacité d’utilisation de la nourriture disponible, son stockage et surtout l’amélioration de la qualité des semences au travers d’une recherche agronomique adéquate.

Que l’on apprécie ou non les OGM dans nos pays de gens bien nourris, il faut réaliser que le caractère de résistance aux insectes que l’on trouve dans les plantes Bt permet déjà, dans la zone tempérée chaude du sud de l’Europe une nette amélioration des rendements et de la qualité des récoltes de maïs (diminution de la teneur en mycotoxines). Il y a donc une piste à suivre, dont nous ne pouvons nous arroger le droit de priver les peuples africains concernés. Des négociations ouvertes sur les droits de propriété intellectuelle, un transfert de technologie adéquat, sont tout ce qui est nécessaire. Contrairement à un préjugé répandu, ce qui coute cher dans la technologie des OGM n’est pas l’introduction du caractère désiré dans l’espèce choisie, mais tout le travail en aval. Ce travail de sélectionneur, qui consiste à transférer un caractère utile (par exemple une résistance à la sécheresse) dans une variété cultivable doit de toute façon être réalisé, même pour une semence conventionnelle, il prend souvent plusieurs années et nécessite des compétences scientifiques de haut niveau. Les agronomes de l’Ecole polytechnique fédérale de Zürich ont démontré que tout cela était possible dans le cas du riz doré (enrichi en vitamine). Les semences de riz pourront être distribuées aux paysans en 2011 déjà. Ce que l’on peut diminuer à l’avenir ce sont les coûts engendrés par la réglementation excessive qui grève le développement des OGM. Mais pour cela il faut cesser de diaboliser cette technologie et faire preuve d’empathie et de compréhension pour les réels besoins des agriculteurs du tiers-monde.

01.04.2008

La politique du réchauffement et la politique du réchauffé

Dans une semaine s’ouvre à Bangkok le dernier « round » des discussions sur les changements climatiques. Les négociations vont porter sur les moyens de prévenir le réchauffement climatique par une réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il reste à savoir si, compte tenu des premières expériences concernant l’application des mesures prévues par le protocole de Kyoto et compte tenu du nombre de pays pollueurs majeurs qui refusent d’appliquer ce protocole (USA, Australie) ou demandent des traitements de faveur (Chine, Inde) il est encore sage, ou simplement utile, d’œuvrer pour une limitation des émissions et surtout d’en payer le prix.
Pour beaucoup de nos politiciens de gauche et de droite, le thème du réchauffement climatique est devenu un élément indispensable de leur programme. En tant que bon politique, on propose et vote, un impôt par ci, une taxe par là, une nouvelle norme. Comment se présenter devant les électeurs sans souscrire à une ou deux mesures de LUTTE contre le réchauffement. Ah, ce terme de lutte, comme il convient bien : la lutte suisse, la lutte des classe, la lutte contre le néo-libéralisme, contre le terrorisme … . Que de mâles ardeurs il suscite. Nos compagnes aussi l’ont adopté. Nous luttons, nous allons lutter contre le réchauffement climatique ; n’est-ce pas valorisant, n’est-ce pas montrer notre sens des responsabilités ? Chacun son truc (centime climatique, taxe sur le CO2 et j’en oublie). Nous résistons, nous luttons.
Il me vient un doute ; et si l’ennemi se dérobait. Ne suis-je pas entrain de suivre une mode, une de ces idéologies à la face changeante, une de ces religions du moment, un de ces leurre qui m’entraine dans une voie parallèle sans issue. Il vaut la peine de poser quelques jalons et de faire quelques constats.
• Réchauffement il y a, et d’origine humaine pour une bonne part.
• Nous sommes 6 milliards d’êtres humains et bientôt 10.
• Nous devons cultiver les sols avec machines et engrais, transporter les aliments, pour pouvoir tous manger à notre faim.
• Nous devons cuire nos repas et nous chauffer quand nécessaire ; nous déplacer un peu.
L’humanité va donc utiliser, jusqu’aux limites du possibles, toutes les ressources énergétiques de la planète. Nous, suisses, pouvons bien accepter un niveau individuel de confort inférieur au standard américano-européen, mais il est certain qu’à l’échelle du monde, nous allons émettre tout le CO2 possible jusqu'à raréfaction insurmontable des sources de combustibles fossiles. Inutile donc de vouloir réglementer les droits d’émission : ils seront dépassés au plan global et le réchauffement aura lieu.
Nous devons maintenant agir pour nous préparer aux changements climatiques inéluctables qui en seront la conséquence ainsi que, simultanément, au conséquences d'un renchérissement des ressources énergétiques et alimentaires. Cela suppose une politique d’investissement dans la recherche et le développement de l’agriculture et des énergies renouvelables, dans les infrastructures de transport en commun et l’habitat zéro-énergie. Nous pouvons le faire aujourd’hui parce que les coûts sont encore supportables. Demain le prix qu’il faudra payer sera tellement élevé que nos enfants nous reprocherons notre aveuglement. Ce n’est pas de LUTTES dont nous avons besoin, c’est d’ACTIONS. C’est beaucoup plus difficile à faire passer auprès des électeurs, mais c’est certainement plus sage et ça ne sentira pas trop le réchauffé.

BIBLIO
1. Eriksen-Hamel N. et al., Earthworm populations and growth rates related to long-term crop residue and tillage management, Soil and Tillage Research, Volume 104, Issue 2, Pages 311-316 (July 2009)
2. Hermle S, et al., The effect of the tillage system on soil organic carbon content under moist, cold-temperate conditions, Soil and Tillage Research Volume 98, Issue 1, Pages 94-105 (January 2008)
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