Finis les labours

Finis les labours

Il est toujours intéressant pour le rat des champs, habitué à parcourir journellement la campagne avec son chien, de recevoir ses amis rats des villes. Leurs étonnement à la vision de l'agriculture telle qu'elle se pratique aujourd'hui est sans borne. De la ferme à libre parcours avec ses robots de traite automatique jusqu'aux cultures sans labourage il est vrai que beaucoup de traditions sont remises en question. Les jeunes agriculteurs d'aujourd'hui sont sans complexe, prévoyant leur futur dans un monde économique compliqué, engagés dans la perspective d'une agriculture durable, ils investissent, avec courage et intelligence dans de nouvelles techniques avec tous les risques que cela comporte. L'agriculture sans labourage avec semis direct est l'une de ses techniques.

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Le labourage traditionnel consiste à retourner le sol sur une profondeur allant jusqu'à 25 ou 30 cm. Le but principal de ce travail consistant à détruire la végétation d'adventices ou les restes de cultures précédentes pour permettre aux jeunes semis de se développer normalement sans concurrence. On a parfois attribué à ce labourage d'autres fonctions, en particulier une prétendue aération des sols. Il n'en reste pas moins que les pédologues1 ont depuis longtemps tiré la sonnette d'alarme en attirant l'attention sur les conséquences négative de cette pratique: érosion, diminution des capacité de rétention d'eau, perturbation de la faune du sol, etc. . Le développement de nouvelles machines et des herbicides a changé la donne. Il est possible aujourd'hui de préparer un champ par un traitement herbicide (glyphosate, ou autre) puis de semer presque immédiatement sur un sol encore couvert de végétation (semis direct). On y gagne en temps de travail (30 à 50%) en frais de carburant (50 à 80%).

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La faune du sol, en particulier les vers de terre [1], est beaucoup plus abondante dans les cultures ainsi préparées et les qualités édaphiques2 du sol s'en trouvent améliorées. Le sol ainsi conservé résiste mieux aux lessivages des éléments nutritifs et à l'érosion, il conserve aussi mieux l'humidité. Il peut aussi constituer un puits à carbone intéressant comme l'ont montré, lors d'une étude à long terme, des chercheurs de l'Agroscope de Reckenholz [2]

Les sols restent le bien le plus précieux de l'agriculture. La disparition des surfaces cultivées, souvent les meilleures, livrées à la construction, elle-même liée à la surpopulation (la population du globe a doublé depuis 50 ans) est une réelle tragédie, aussi grave que les changements climatiques. Il semble que en dehors des milieux agricoles, ceci ne soit pas une préoccupation, ni chez les urbanistes, ni chez les responsables de l'économie. Pour beaucoup d'entre nous le sol ne s'estime encore qu'au prix du mètre carré, c'est une aberration.

A lire: "Le labour obsolète", Pour la Science, N° 378 d'avril 2009 et à consulter le site de l'association suisse NO-TILL. Dans un même ordre d'idée un article sur l'histoire des jachères mérite votre attention: "La jachère, d'une signification à l'autre" Pour la Science N°374 de décembre 2008

Bibliography
1. Eriksen-Hamel N. et al., Earthworm populations and growth rates related to long-term crop residue and tillage management, Soil and Tillage Research, Volume 104, Issue 2, Pages 311-316 (July 2009)
2. Hermle S, et al., The effect of the tillage system on soil organic carbon content under moist, cold-temperate conditions, Soil and Tillage Research Volume 98, Issue 1, Pages 94-105 (January 2008)
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