Les nouvelles indulgences

Les nouvelles indulgences

Les indulgences étaient ces garanties de rémission des péchés, que l'église proposait aux fidèles à des prix variables mais jamais gratuitement : « Sobald das Geld im Kasten klingt, Die Seel'aus dem Fegfeuer springt » (« aussitôt que l'argent tinte dans la caisse, l'âme s'envole du Purgatoire ») ; La protestation théologique et séculière contre « les Indulgences » est l'une des causes de l'apparition de la confession réformée (protestante). Il semble qu'aujourd'hui l'achat de biens de consommation écologiques (verts ou BIO) constitue une forme moderne de l'Indulgence. Elle garanti, contre une prestation dument monnayée, un nettoyage efficace et rédempteur de la conscience.

Le numéro de février du magazine de la FRC relève effectivement que les grands distributeurs ne se gênent pas pour s'accorder une marge bénéficiaire sur les produits dits « BIO » au détriment du consommateur et sans contrepartie équivalente pour le producteur. Il s'agit donc bien, pour COOP et MIGROS, de prendre dans la poche de l'acheteur crédule une plus value injustifiable. Si l'acheteur accepte ainsi de se laisser gruger c'est qu'il y trouve sans doute un bénéfice, si ce n'est sur la qualité du produit lui-même, c'est probablement sur une valeur immatérielle.

Do Green Products Make Us Better People? (Des achats écologiques nous rendent-ils meilleurs?)

Dans un article de la revue « Psychological Science », Nina Mazar et Chen-Bo Zhong de l'Université de Toronto montrent que le fait d'avoir acheté massivement des produits étiquetés « écologique » libère la conscience morale du sujet. Cela va si loin que les individus ainsi dopés montrent un laisser-aller moral surprenant ; ils n'hésitent pas, en effet à tricher à un jeu d'argent, ce que font beaucoup moins les sujets du groupe de référence. J'avais déjà quelque raison de penser, à la suite de nombreuses années d'observation, que le souci de la bonne conscience écologique qui préoccupe nos contemporains avait des effets pervers, mais pas à ce point.

Ce mécanisme d' « auto-permission » morale pourrait expliquer les résultats contreproductifs de certaines mesures prises pour diminuer notre impact environnemental. Combien de ceux qui ont consciencieusement isolé leur logement se permettent-ils de chauffer plus longtemps dans la saison et à des températures plus élevée ? Combien de ceux qui votent « écologique » et achètent « BIO » se permettent-ils des voyages au long cours sous les tropiques ou l'Antarctique ? Combien d'écolos campagnards se payent-ils une grosse 4X4 parce qu'il faut bien pouvoir rentrer chez soi en hiver ?

Nous ne sommes pas des saints, tout le monde en est conscient, mais évitons de nous acheter une bonne conscience, cela nuit à notre santé morale.

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