Coton bio: durable?

Coton bio et coton biotech: durables ?

Helvetas entreprend ces jours-ci une campagne de promotion du coton BIO. Nul ne doute qu'elle sera suivie avec enthousiasme par les grands distributeurs et les marques de tee-shirt et autre costumes de bain (Migros, Reinhart, Switcher, …). Cela fait plusieurs années que les organismes privés et public de coopération avec les pays en voie de développement encouragent une production de coton conforme aux règles de l'agriculture biologique (cf Helvetas: Guide de production du coton biologique et équitable) . La logique derrière ces initiatives est double:

1. d'une part permettre à de petits producteurs de commercialiser leur production dans une perspective de commerce équitable et donc de bénéficier d'un revenu en dessus de la moyenne locale.
2. d'autre part ménager la santé des paysans et de leur famille par une diminution drastique de l'usage de pesticides et protéger l'environnement par une gestion du sol qui proscrit l'usage des engrais minéraux et favorise le compostage.

On ne peut donc que se réjouir du succès probable de la campagne. Il convient cependant de se demander si tous les buts fixés sont vraiment atteints et si à long terme, obliger par le biais d'une pression commerciale exercée par les consommateurs suisses, des paysans africains ou indiens à se convertir à l'agriculture biologique va dans le sens d'une agriculture durable.
Au Burkina Faso, le coton est une industrie (50 à 70% des recettes d'exportation), mais aussi un problème; la forte variation des cours et de la demande mondiale en font un secteur de l'agriculture très sensible à toutes les perturbations de l'économie mondiale. Il n'en reste pas moins que pour le moment, ce pays a besoin de ces cultures pour équilibrer sa balance de paiements. Les producteurs de coton biologiques sont protégés par les engagements pris par les OGN à leur égard, mais ceux-ci sont bien entendu à la merci de leurs partenaires; d'où la nécessité pour Helvetas de lancer sa campagne publicitaire.
Au Burkina, lieu privilégié de l'action de la coopération suisse, environ 1% du coton est cultivé en "biologique", Helvetas souhaite arriver à 5% ces prochaines années. Le "biologique" est donc manifestement une agriculture de niche. Le coton BIO est payé le double du coton ordinaire. Ce sont essentiellement de petits paysans, souvent des femmes, qui pratiquent ce genre de culture, certains n'avaient même jamais cultivé du coton auparavant. La faible productivité par hectare du coton bio (environ la moitié de celle du coton conventionnel) reste cependant un problème. Une récente étude du CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) montre d'autre part une inquiétante baisse de la fertilité des sols, due à l'insuffisance d'apport d'engrais minéraux (en particulier potassium), apport limité par les règles draconiennes de l'agriculture biologique (cf. Le coton biologique en question dans les exploitations familiales d'Afrique).
Le Burkina présente une autre particularité qui en fait un cas d'école: c'est le premier pays africain après l'Afrique du Sud à cultiver du coton transgénique (variétés à double résistance vis à vis des lépidoptères ravageurs). 2% environ des surfaces de coton sont cultivées (2008-2009) en coton Bt; à titre de comparaison en Inde ce sont plus de 60% des surfaces qui sont cultivées en coton Bt. Les projections pour 2009-2010 seraient pour le Burkina de décupler ces surfaces. Selon les agriculteurs concernés, la diminution du nombre de traitements (1 à 2 contre 6 à 8 pour le coton conventionnel) conduit en fin de compte à une marge bénéficiaire plus importante malgré le prix plus élevé des semences. La diminution du nombre de traitements insecticides correspond aussi à une meilleure situation sanitaire des agriculteurs et de leur famille et à un plus pour l'environnement.
Il n'y a donc pas de solution miracle pour le coton. Les limites de la production biologique sont connues, le potentiel des nouvelles variétés de coton OGM est réel. L'Afrique deviendra peut-être le lieu d'une vraie réflexion sur l'agriculture durable. Une agriculture dont on peut imaginer qu'elle sera une combinaison intelligente de l'agriculture bio, mais un bio débarassé de sa composante dogmatique (cf. argumentaire contre le coton Bt à l'usage du paysan africain), et d'une agriculture biotech. Ce sera bien sûr aux africains d'en décider, ni aux européens ni aux suisses.

Rappelons ici par la même occasion que nous sommes en 2009: l'Année internationale des fibres naturelles.

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