OGM : ça sent le rat
Bon ! L’actualité vient me chercher dans ma campagne aux confins du grand Genève, au milieu des betteraves, l’époque de la désalpe. Je ne peux refuser à M. Mabut une contribution au grand remue-ménage médiatique qui accompagne la publication d’une recherche dont les auteurs espèrent une condamnation sans appel des OGM. Sachant que M. Séralini, l'un des auteurs de cette étude, prétend mettre en cause 20 ans de recherches et de consensus scientifique, je reviendrai certainement ces prochains jours dans ce blog avec une analyse critique du manuscrit et de la validité des résultats publiés. Mais pourquoi un tel bruit pour une étude qui se révèle dès le premier examen plus que médiocre? Pourquoi de tels manquements à l’éthique professionnelle de la part d’un professeur d’Université et de ses collaborateurs ?
Bizarre non ! Une étude effectuée pendant plus de 600 jours dans le plus grand secret sur des rats de laboratoire et qui viendrait infirmer tout ce que l’on sait depuis 20 ans sur les maïs transgéniques. Pourquoi dans le plus grand secret et dans quel but ? Ces résultats amènent-ils à une découverte fondamentale, dûment brevetable et à des retombées financières conséquentes pour les auteurs ? Ou alors… un grand complot, une manigance. Nous avons là tous les ingrédients d’un suspense astucieusement mis en scène. Mais analysons quelques-uns des manquements à l’éthique et le manque de professionalisme de la part des auteurs de l'étude intitulée « Long term toxicity of a Roundup herbicide and a Roundup-tolerant genetically modified maize ».
Une conférence de presse avec un embargo (ça c’est normal) et une petite cohorte de journalistes qui ont dû s’engager à ne pas consulter d’experts scientifiques avant de publier leur article (ce n’est pas normal du tout). Qui sont ces journalistes, réduits au rôle de sténographes qui acceptent de publier sans avoir le droit de vérifier, qui sont ces scientifiques qui craignent la critique de leurs pairs ? Ce procédé n’est jamais utilisé pour présenter une publication scientifique. Les chercheurs et les journalistes qui ont accepté de se prêter à cette mascarade sont indignes de leur profession.
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt (déclaration aujourd’hui requise par la plupart des revues scientifiques). En ce qui concerne le premier auteur, M. Séralini, c'est au mieux une omission au pire un mensonge ; un seul exemple : M. Séralini contribue aux travaux de la firme pharmaceutique française Sevene qui produit des médicaments homéopathiques dont certains sont censés protéger des effets du Roundup (cherchez le problème) ; la moindre des élégances eut été de mentionner cette relation.
Les auteurs se posent en victimes du système, une posture peu répandue dans les milieux scientifiques, mais veulent-ils peut-être s’attirer des sympathies ? Ils préfèrent donc recourir à des fonds comme ceux du Céres (dont l’un des contributeurs est le grand distributeur Carrefour) ou de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme (fph) une fondation de droit suisse dont le siège est à Lausanne, fonds privés peu regardant quant à la qualité scientifique des projets. Ont-ils réalisé que la mauvaise qualité de leur projet scientifique ne leur permettait pas de requérir des fonds publics pour effectuer leurs recherches?
Ignorance crasse ou choix délibéré, M. Séralini et son équipe utilisent, pour une étude portant sur deux ans, une souche de rats connue pour développer des tumeurs après quelques mois, même dans des conditions optimales d’élevage et de nutrition ; ces souches ne sont normalement utilisées que pour des études de toxicité à court terme (c’est-à-dire en général 3 mois). Il s’agit d’une faute professionnelle.

Dans la plupart des pays (dont la Suisse) les bonnes pratiques de laboratoire imposent de soustraire les animaux de laboratoires à des souffrances inutiles. Il est recommandé, d’euthanasier les animaux présentant des tumeurs avant que celles-ci ne deviennent trop grosses, donc source de douleurs et de stress. M. Séralini et ses collaborateurs ont gardés les rats étudiés pour les photographier au stade ultime de leur vie, ceci sans aucun scrupule. Le but est clair : impressionner le public par des photographies intolérables, photographies par ailleurs totalement inutiles dans le cadre des résultats présentés; il n’existe aucune justification scientifique à une telle cruauté et à un tel manquement à la déontologie. Aucune fin ne justifie de tels moyens.