L’Agence Française de Sécurité des Aliments (AFSSA), dans un rapport en date du 23 janvier 09 [1], vient de balayer les allégations en termes de risques sanitaires figurant dans un rapport rédigé par un scientifique anti-OGM proche du Ministère de l’Ecologie et à la demande de ce dernier (pour tenter de justifier scientifiquement sa clause de sauvegarde contre le seul maïs transgénique cultivé en Europe, le MON810). Le gouvernement tente maintenant de justifier la poursuite de son interdiction sur une base environnementale, arguments pourtant déjà réfutés par l’Agence européenne EFSA en date du 29 Octobre 2008 [2](cet avis est par ailleurs conforme à celui de l’AFSSA sur les aspects sanitaires).
Rappelons certains événements antérieurs. Le 8 janvier 2008, lors d’une conférence de presse, le Président de la République promet que la clause de sauvegarde sera enclenchée en cas de « doutes sérieux » sur ce maïs. Dès le lendemain (!), le Sénateur Legrand, Président du Comité de préfiguration de la Haute Autorité sur les biotechnologies (CPHA), annonce que ce dernier a conclu à des « doutes sérieux ». Le 10 janvier 08, le gouvernement reprend ces termes. Le 11, douze des quinze scientifiques du CPHA réfutent ces interprétations. Le 13, le Premier Ministre reconnaît dans une interview qu’il s’agit d’une « décision politique »…
La clause de sauvegarde est enclenchée, et le Ministère de l’Ecologie tentera tout au long de l’année 2008 de fabriquer des justifications scientifiques.
Scénario prévisible dans un futur proche : le gouvernement français va tenter d’obtenir, lors d’une prochaine réunion du Conseil des Ministres de l’UE, une majorité qualifiée contre l'obligation de lever sa clause de sauvegarde.
Tout indique aussi que le gouvernement tente de contrôler politiquement l'évaluation des risques en France, notamment en sélectionnant les membres du futur Haut Conseil des Biotechs et son Président. Ce qui n’est pas de tout repos, puisqu’en décembre dernier des parlementaires du Sénat et de l’Assemblée Nationale ont voté contre le candidat désigné par le Ministère de l’Ecologie [3].
Autre gêneur : l'EFSA. Qu'à cela ne tienne : la France demande que l'on « revoie les procédures d'évaluation ». En d'autres termes : à défaut de la contrôler, marginaliser l'EFSA ou la rendre inopérante.
En dernier recours, le gouvernement français invoquera la « dissémination » des OGM. Des études ont pourtant montré qu’en France la coexistence est possible si l'on accepte le seuil de tolérance réglementaire (0,9%) de présence fortuite dans les récoltes non-OGM. Le gouvernement résistera t-il à l'institutionnalisation d'un concept détestable, celui de « pollution génétique », pour toute trace d'OGM ?
Marcel Kuntz
Chercheur au CNRS
Auteur de Les OGM, l’environnement et la santé (Ellipses)