Article paru dans notre blog de 24 heures le 13 janvier 2009
L'histoire nous enseigne que la maîtrise des technologies a toujours été un facteur essentiel dans le succès des sociétés humaines. Apparemment ce qui fut dans les temps passés une preuve de sagesse politique, un signe de la prévoyance des gouvernements et du soucis que les dirigeants avaient de leur peuple et devenu aujourd'hui, dans ce monde "post-moderne", inacceptable. Il est de bon ton de verrouiller le système, d'interdire chaque fois que cela est possible et surtout lorsque une technologie concerne l'agriculture. Aujourd'hui, c'est au tour du gouvernement neuchâtelois d'entrer dans le système de pensée unique de notre temps.
Dans un document daté du 6 janvier 2009, le Conseil d'Etat Neuchâtelois propose en effet au Grand Conseil de déclarer le canton "canton sans OGM" soit en substance : "Dans les limites de la législation fédérale, l'Etat veille à assurer la souveraineté alimentaire en excluant les organismes génétiquement modifiés de la production des aliments, des végétaux et des produits destinés à protéger les plantes et soigner les animaux".
Dois-t'on voir là la patte de Fernand Cuche, ancien dirigeant d'Uniterre et anti-OGM notoire, ou est-ce pire? Ne soyons pas trop pessimiste. Saluons tout d'abord l'intelligence des autorités neuchâteloises qui se gardent de tomber dans le piège (tendu par Greenpeace - voir ICI) et affirment clairement que "Aucune altération tangible de la santé par l'ingestion d'aliments provenant de plantes ou d'animaux OGM n'est démontrée aujourd'hui, même sur une durée de 30 ans. La crainte d'altérer sa santé par la consommation de produits OGM est sans réel fondement …….". En ce qui concerne les risques environnementaux supposés des OGM, le canton s'en remet à la législation fédérale. Tout cela est fort bien et l'on sent que le Conseil d'Etat a écouté les scientifiques de son Université (qui est aussi le siège d'un pôle national de recherche sur les végétaux).
Paradoxalement, c'est la notion de souveraineté alimentaire qui est au centre de l'argumentation. En faisant sienne les positions du lobby anti-OGM le gouvernement neuchâtelois utilise un argument répété "ad nauseam" par celui-ci, à savoir que Monsanto et autres Syngenta, vont détruire notre agriculture et par leur position monopolistique mettent en danger le "libre accès aux semences". Cet argument est de nature strictement idéologique & dogmatique et ne résiste pas à l'analyse de la situation suisse en particulier.
Assurer une souveraineté alimentaire consiste en la maîtrise de toute la chaîne de production alimentaire. Il s'agit de rendre notre agriculture la plus performante possible et capable d'assurer une production de qualité et ceci, en quantité suffisante. La maîtrise des méthodes de la sélection végétale et en particulier des méthodes de production de plantes génétiquement modifiées est donc une nécessité. En proposant de supprimer l'option OGM un gouvernement prive donc ses agriculteurs de l'accès à l'une des méthodes les plus efficaces et prometteuse de sélection végétale, sans leur offrir de contrepartie. Le mythe des semences de ferme, à savoir les semences produites par l'agriculteur lui-même, a la vie dure. Aujourd'hui l'agriculteur dépend déjà du sélectionneur qui, lui dépend des généticiens et autres spécialistes de haut-niveau. Semer ses propres semences d'année en année, n'est plus, sauf rares exceptions, une option valable pour l'agriculteur contemporain.
A quoi se sont donc acharnés les milieux anti-OGM suisse de tout poil ces dernières années? A décourager tout investissement dans la recherche publique sur les OGM, à empêcher par tout les moyens, les chercheurs des Stations de Recherche Agronomique, de l'EPFZ et des Universités de développer des plantes résistantes aux maladies (pomme-de-terre, blé). Ils ont conspués nos collègues de l'EPFZ qui ont développé le riz-doré enrichi en pro-vitamine A. On veut nous faire croire aujourd'hui que nous sommes le jouet des multinationales, mais nous l'avons bien cherché. A force de créer des obstacles de plus en plus insurmontables pour la recherche publique, nous avons en effet mis notre avenir en danger.
Nous avons encore le potentiel de recherche agronomique suffisant et nous pouvons le mettre à disposition des besoins de l'agriculture, encore faut-il ne pas fermer toutes les portes. La proposition du gouvernement neuchâtelois (aujourd'hui acceptée par le grand-conseil ) va malheureusement dans ce sens: elle est d'un autre âge.