A propos de la résistance à l'antibiotique kanamycine
Nous avons déjà abordé le problème posé par la présence de gènes de résistance aux antibiotiques dans certaines variétés de plantes transgénique. La récente mise sur le marché de la pomme de terre "Amflora" a remis en avant la question de la présence de gènes marqueur de résistance à la kanamycine. La kanamycine est un antibiotique de la famille des aminosides (comme la streptomycine) qui n'est utilisé qu'en médecine vétérinaire, sa toxicité trop élevée le rendant impropre à un usage en médecine humaine (pour infos voir ICI)1.
Rappelons tout d'abord que l'utilisation de gènes marqueurs facilement identifiables est indispensable à la sélection des évènements de transformations lors des premiers stades de production d'une plante transgénique. Les gènes de résistance à un antibiotique, à un herbicide sont particulièrement intéressants parce qu'ils permettent une sélection efficace (seules les plantes transformées peuvent survivre en présence de l'antibiotique ou de l'herbicide). Il existe aujourd'hui bien d'autres méthodes de sélection, il est vrai plus complexes et sophistiquées (marqueurs fluorescents, marqueurs de sélection positive, TILLING, etc …), mais les PGM de première génération sélectionnés à la fin des années 90 et commercialisés aujourd'hui contiennent souvent un gène de résistance à la kanamycine.
Le gène de résistance utilisé est celui codant pour l'enzyme la néomycine phospho-transférase II ou aminoglycoside-3’-phosphotransférase II, APH(3’)II, plus spécifiquement NptII. Ce gène a été isolé de la bactérie Eschericia coli; il a été modifié et est utilisé, non avec son promoteur bactérien d'origine (procaryotique), mais avec une promoteur de type eucaryotique, le promoteur nos de la nopaline synthase.
La présence de tels gènes de résistance dans une plante transgénique pose t'elle de réels problèmes environnementaux ou de santé publique? La réponse que l'on peut donner après plus de 20 ans de travaux de recherche et de culture des PGM sur grande échelle est définitivement NON [1] [2] [3].
En voici les raisons principales:
- Le risque environnemental majeur réside dans la possibilité d'un transfert horizontal2 du gène de résistance de la plante hôte à un organisme du sol. Selon une vision pessimiste ce transfert résulterait en une augmentation du risque d'apparition de bactéries pathogènes (pour l'homme et les animaux) résistantes aux antibiotiques de la classe des aminosides. Cette vision est contredite par l'observation et l'expérimentation.
- Dans les sols il existe déjà une population bactérienne porteuse du gène Npt, comme cela peut être démontré simplement par culture d'un frottis de sol sur un milieu contenant de la kanamycine. Si transfert horizontal du gène a lieu entre différentes espèces bactériennes dans le sol, il se produit tout le temps hors de la présence de PGM.
- Le gène NptII présent dans une plante transgénique, est placé sous le contrôle d'un gène eucaryotique; il faudrait donc une série d'évènements complexes pour que ce gène soit éventuellement à nouveau placé sous contrôle d'un gène procaryotique.
- Il n'existe pas dans les sols de pression de sélection qui pourrait favoriser une augmentation du taux de transfert.
- Les risques pour la santé humaine et animale sont du même ordre; la question qui se pose est de savoir si l'ingestion de matériel végétal contenant le gène NptII pourrait amener à l'apparition de bactéries pathogènes résistantes dans le tractus digestif.
- Les observations que nous avons présentées pour les bactéries du sol s'appliquent aussi aux bactéries du système digestif. La kanamycine n'étant jamais appliquée par voie orale (seulement par injection parentérale ou par voie cutanée) il n'y a pas de pression de sélection pouvant favoriser une augmentation des taux de transfert.
Aujourd'hui, les plantes transgéniques nouvelles ne contiennent plus le gène NptII. Dans le cas de la pomme-de-terre "Amflora", il faut bien réaliser que cette variété a été créée et soumise à approbation il y a plus de dix ans. La complexité des procédures d'autorisation, les multiples oppositions, ont fait qu'elle ne sera commercialise que cette année.
Compte tenu du contexte médiatique et de l'agitation politique qui entoure la culture des PGM, on ne peut pas dire que la firme BASF soigne particulièrement son image publique en insistant pour commercialiser cette variété; on ne peut pas cependant, sauf à être de mauvaise foi, prétendre que ces cultures vont mettre en danger l'environnement ou la santé publique.